DEVENEZ INVULNERABLE

Oui la sécurité routière est décidément complexe : Une affaire individuelle qui concerne aussi les autres. Mais en ne retenant que le premier terme, en essayant égoïstement de maintenir votre survie sur la route, vous épargnez la vie des autres, c’est curieux, mais logique.
Travaillez donc à vous rendre invulnérable. Cela paraît présomptueux, mais c’est possible.
Dans son petit recueil « conduire mieux », (éditions Gérard et Verviers, Belgique) Paul Frère disait qu’au commencement était le choix de l’auto.
Aujourd’hui, tous les modèles possèdent une ambivalence ville-route acceptable, mais il conviendra au moment du choix de déterminer la proportion d’utilisation du véhicule. La plupart des ménages possèdent maintenant au moins deux autos, confinées à des utilisations opposées. Mais attention, il existe au sein de chaque gamme de chaque modèle précis des stars et des nanars. D’excellentes études comparatives sont publiées à intervalles réguliers par les objectifs et doctes Cahiers du Moniteur de l’Automobile.
Que transportez vous habituellement ? Vous choisissez en fonction de la publicité, du voisinage, des fantasmes de l’épouse, de la dictature des enfants eux-mêmes inféodés aux mirages promotionnels ? Quelle est votre moyenne kilométrique annuelle, sa part autoroutière ou urbaine, l’option Diesel se justifie –t elle etc.. ?
Il faudra veiller à ne pas éluder du raisonnement la vitesse maxi et surtout les valeurs de reprise sur un rapport long par exemple, les chiffres spécifiques concernant le couple maximal, essentiels à la maniabilité et dans les dépassements. Je sais, il de bon ton de mépriser ces paramètres, qui semblent appartenir à une mémoire trouble de dinosaure.
C’est très tendance et c’est très con, car vous risquez ainsi de ne soupçonner votre erreur que quand vous entendrez les sirènes des premiers secours.

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INVULNERABILITE, deuxième, vif du sujet :

J’ai martelé l’importance de l’assise au volant. La conception a voulu que les autos soient conduites de cette manière qui est sans doute la meilleure puisque l’action requise est essentiellement intellectuelle, avec cette particularité que le travail consiste à mouvoir un mobile qui vous transporte et vous soumet à l’épreuve des lois physiques. Vous êtes un objet libre dans une caisse suspendue reposant sur des trains roulants non ou partiellement suspendus. Les parties vitales du corps sont alors les yeux, les mains et les pieds.
-La vue est déterminée par la hauteur à laquelle se trouve la tête et son éloignement du pare brise pour permettre d’embrasser un champ de vision optimal à l’avant, mais aussi à l’arrière par l’immédiate compréhension panoramique des trois rétroviseurs (n’oubliez pas à leur propos que même les meilleurs ont un angle mort et qu’il ne sert à rien de leur adjoindre un de ces accessoires autocollants et panoramiques d’origine hyperfouillis, il faut seulement en cas de doute tourner la tête à gauche…)
Cette position idéale, c’est les mains qui la déterminent.

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Vous êtes maintenant le maître à bord si vous avez suivi jusque là, mais puisque nous parlons virages et que ceux-ci implique un surplus de technicité, vous devez encore composer avec la masse de la voiture confrontée au mouvement liée aux changements de cap. Pour faire plus court, vous allez essentiellement vous frotter à la force centrifuge.
Et là tout est désespérément simple si vous réussissez à assimiler cette formule magique du « transfert de masses ».

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Et si j’insiste encore sur la vitesse, c’est que si ces manœuvres se font évidemment dans une sécurité absolue en conditions de compétition, puisque c’est la recherche de la limite de sécurité qui garantit l’efficacité (cqfd), c’est qu’elles se dérouleront, et là tout le monde me comprendra, dans une sûreté absolue pour l’immense majorité de ceux qui les effectueront en roulant bien moins vite.. .c’est logique . En revanche, celui, avisé sur ce sujet, qui aura risqué une entrée en virage un peu optimiste restera apte à maîtriser de par son conditionnement, par exemple en freinant en appui. Pour le lecteur de base, « don’t try that at home ».
Des épures de châssis plus classiques, voire archaïques comme les propulsion à essieu rigide, pourront même amorcer un sur virage (dérapage) une fois le nez de l’auto correctement inscrit (mais peut-être un peu « à la hussarde ») et par le biais d’un savant dosage du couple contrebraquage-accélération, l’auto sera dirigée, en glissade, par…ses roues arrières. Mais cela aussi, c’est une private joke, pour les Immortels.

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Pour l’accélération, c’est même un peu plus compliqué, puisque le régime moteur est fonction du rapport de boîte. Là encore, beaucoup de ces mauvais conducteurs que la conduite ennuie, se dépêchent de passer le rapport le plus long, et s’y tiennent coûte que coûte, à leur train de sénateur. Si d’aventure ils ont à doubler encore plus lent, ils pensent tirer la puissance maxi en enfonçant l’accélérateur, ce qui ne donne aucun résultat probant dans ces conditions et ce qui s’ensuit ne peut être que chaotique et dangereux. Ce qui arrache l’auto à son inertie est la valeur de son couple maxi et aussi surtout du régime auquel il est atteint. Combien d’utilisateurs ont seulement conscience de l’existence de ces paramètres ? Pour connaître le régime moteur, il y a le compte tours, ou mieux, l’oreille. Rouler au bon régime en ne fainéantant pas pour changer de rapport est une garantie de sécurité qui préserve, en prime, la mécanique.

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Mais surtout, occupez vous de rester en vie, pas dans la peur qui n’évite pas le danger mais aggrave la tension, et quand vous prenez le volant, concentrez vous sur votre tâche, car c’en est une et ne faites absolument rien d’autre. Essayez d’atteindre à la synthèse sublime de l’altruisme et de l’offensivité nécessaire à la survie dans la nature. Et offensivité ne signifie pas agressivité. Dites vous seulement que la Route n’est pas le Club Med, et que si nous en sommes tous membres, nous ne sommes pas « gentils ».

« Le désespoir est une forme supérieure de la critique » disait Léo Ferré en 68 et j’ai peu d’espoir que mon discours touche les incroyants dans une société ou le plus souvent des tarés agissent au mieux pour l’intérêt d’escrocs planétaires

Et devant une pression répressive toujours plus présente malgré le décor de carton pâte toujours plus chichiteux de la « démocratie » (les dernières « assises » de la Sécurité Routière après l’élection de Chirac en 2002 nous en assènent la preuve), mon étude et mon combat n’auront probablement pas servi à grand-chose.

J’avais fait débuter cet ouvrage par un mot de Jean Rostand, biologiste et entomologiste. Je laisserai le mot de la fin à son fils Edmond par la bouche de son attachant Cyrano de Bergerac : « C’est encore plus beau lorsque c’est inutile ».