« Très peu d’hommes, si intelligents et intègres soient-ils, sont capables de conserver une pleine humanité dans des conditions de Pouvoir »
Konrad Lorentz (L’Homme en péril)
Si vous doublez un quidam à une vitesse que lui juge astronomique, vous le verrez aussitôt se muer en justicier, s’abritant derrière l’alibi humanitaire, au bord de la crise de nerfs, triturant son appel optique qu’il espère transmué en rayon laser propre à vous réduire à néant. Electrisé par l’imaginaire d’un 007 réglant leur compte à trois douzaines de russes farouchement soviétiques, il oublie qu’il a du ventre et que mémére crispe les doigts sur la poignée de maintien. Et qu’il ne sait probablement manœuvrer son mobile que de façon rudimentaire puisque votre conduite lui paraît dépasser le cadre des possibilités. Ici, ce brave père de famille catholique est tout près de revoter la peine de mort pour les voyous de votre espèce. Délit, le mot n’est pas trop fort puisque Gayssot et une bande de scélérats –ou de moutons bêlants- ont réussi à faire adopter le « délit de grande vitesse » (C'est-à-dire 170 sur autoroute).
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La canaille en col blanc
« Car les bandits qui sont cause des guerres ne meurent jamais, il n’y a que les innocents »
Monthéus (La Butte Rouge, chanson populaire)
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Une fois lancées quelques formules magiques (qui désespéreraient Mary Poppins) à la Santé par exemple, ou la finesse de promouvoir une loi qui immortalisera leur patronyme, (Evin, Badinter, Quillot, Scrivener..), ils passent des Transports à l’Intérieur, de la Défense aux Communications dans une réussite totale de l’immersion. Et à la première hésitation, il suffira de ressortir le manuel des formules toutes faites pour consolider l’image.
Par exemple, un ministre de la Santé Publique bombardé aux Transports inaugurera sa charge en trouvant la mortalité routière « intolérable » et en décrétant la chasse aux « chauffards ».
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Un premier ministre s’abaisse également rarement à aborder le sujet de front. Michel Rocard, écrasé de responsabilité nouvelles, semblant confronté au principe de Peter, fit exception, crispa les lèvres et pour compenser une geste de sacristain qui collait assez mal avec l’image que le populaire se fait d’un grand homme, référa sans doute inconsciemment à une mythologie Clinteastwoodienne pour s’annoncer, dans le Républicain Lorrain du 25/8/88, « Im-pi-toy-able ». Il utilisait les termes de « monstrueux » et « sauvage » pour qualifier ce fléau social qui « tuait plus que le cancer » (Ah bon ?) et avait émis l’idée géniale que les voitures pussent être limitées dès leur phase de fabrication. Les Allemands le font, sauf pour les plus sportives des Porsche ou des Audi, mais à 250 kms/h…
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Comme premier ministre, Jospin se devait de réussir la synthèse absolue dans la vacuité du discours, renforcée par une morphologie traduisant la désespérance de toutes les gauches depuis la Commune. Il espérait, dans une France où 50% des jeunes rêvent de devenir fonctionnaires (« l’Entreprise », Mars 97) figurer dans de prochaines législatives et comme au jeu des alliances, tout est permis, il tend ses deux joues à Voynet, à la « Journée des Verts » du 30 Août 96 en promettant d’abandonner tous les projets de développement autoroutier. Sûr que s’il s’était retrouvé au pouvoir, il aurait nommé un ministre des transports qui aurait inauguré son mandat en fustigeant la vitesse-qui-tue.
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Dans le sujet qui nous occupe nous trouvons au premier plan le délégué interministériel à la Sécurité Routière, surnommé Mr Sécurité, en toute simplicité.
Le premier du nom fut évidemment le plus célèbre et la durée de son règne lui permit d’aligner un chapelet impressionnant de banalités, d’inepties, de contre vérités et de mornes fantaisies avant d’aller enrichir de ses connaissances encyclopédiques les Charbonnages de France. Christian Gérondeau, c’était lui, est aujourd’hui président des Automobile-Club, la volte face faisant partie de la panoplie de cette catégorie de fonctionnaires capables de tout et du contraire.
Fort de sa situation, Gérondeau écrira un livre paru chez Plon en 79 dont l’avertissement annonçait : « Ce que tous les usagers de la route, tous les responsables, tous les parents doivent savoir sur leur sécurité et celle des autres ». Diderot aurait eu du souci à se faire si Gérondeau avait été un sien contemporain. On comprend d’ailleurs mieux pourquoi la route tue toujours.
Inutile de s’étendre sur le style de l’ingénieur ou de son nègre, un exemple me suffira pour en fixer les limites littéraires : Amené plusieurs fois à citer ce pays ou le Shinkansen passe à fond la caisse devant Fuji-San, le fonctionnaire périphrase en « Empire du Soleil Levant ».Là, c’est Blaise Cendrars qui doit se faire du mouron.
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La limitation est d’autant plus présentée comme la panacée universelle que les chiffres cités pour les accidents mortels que la gendarmerie attribuent à l’alcool en 1977 est de….8% !
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Le qualificatif du titre, « la mort inutile » peut qualifier le bouquin entier dont la dernière page s’orne de cette profession de foi que le premier devoir d’une société était de protéger ses membres contre le malheur et la mort. Beaucoup d’illuminés en tous genre, mais surtout dans le genre dictateur, avaient déjà promis mille félicités aux manants, mais pas encore de leur abolir la mort. Gérondeau l’a fait.
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… Que même avec ce fusil dans le dos, 20 SAMU ont refusé de signer et que le même Gérondeau a ajouté à la liste 90 signataires qui n’avaient pas de fonction de responsables.
« Une authentique escroquerie » conclut l’hebdomadaire satirique dont on ne peut mettre en doute le sérieux.
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La revue Entreprise a recours au Robert pour définir le technocrate qui « tend à faire valoir les conceptions techniques d’un problème au détriment des conceptions sociales et humaines » en trouvant que la formulation est pour le moins nuancée et en ajoutant que pour lui, l’Homme est traduit en courbes, graphiques et… mépris et que peu chaut au technocrate d’être compris de ces « objets » puisqu’il est compris par ses pairs.
Cette race est formée dans des centres de gavages s’opposant radicalement à la préférence de Montaigne de la tête bien faite contre la tête bien pleine.
« Confiscation du pouvoir politique et administratif et politisation de l’administration, pantouflage, conformisme, manque de compétence, valeur relative de la formation et dérive imparable de rond-de-cuir » Si je m’attribuais cette salve, j’imagine ce que je recevrais en retour. Ce n’est pas de moi, mais de Jean Cassirou, ancien directeur de …..l’ENA.