CHAPITRE VII

Les Gens

« Il n’y a qu’à parier que toute idée publique, toute convention est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre »
Chamfort.

Ou :

« Impitoyable dictature que celle de l’opinion dans les sociétés démocratiques »
Charles Baudelaire.

Ou :

« Quelle aubaine pour les dirigeants politiques que les gens qui ne pensent pas ! »
Adolf Hitler

Et encore ce vieux Georges :

« Je contemple les bonnes gens dans le soleil couchant
mais ne m’ demandez pas d’ chanter ça si
vous redoutez d’entendre ici
que j’aime à voir de mon balcon
passer les cons »

Vaste sujet. Difficile d’émettre des opinions sans juger, voire préjuger surtout dans une société où c’est plus communément la différence qui est proscrite. Tous les animaux font cela pour la survie de l’espèce. Comment associer les deux mots grecs « demos » et « cratos » sans ravaler l’individu au troupeau ? Le pire est que la démocratie dans nos sociétés n’est qu’apparente, inféodée aux seuls oukases politiques inspirés par les colossaux intérêts commerciaux de multinationales de plus en plus concentrées et puissantes (la théorie complète est développée par Konrad Lorentz)
Le bon peuple gobe, en faisant la grimace, car on lui dit, comme pour l’huile de foie de morue, que c’est pour son bien.

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Ces archives de Roger-Viollet sont commentées par une Anna Gavalda bombardée « jeune romancière ». Sa prose n’a rien de bouleversant dans la forme, mais c’est le fond qui m’intéresse, voici l’introduction :
« Ma propre voiture, j’ai du mal à vous dire son nom…ma voiture, c’est un machin en tôle monté sur quatre pneus qui m’emmène d’un point à un autre…Dans ma voiture, il y a un siège bébé, des paquets de gâteaux éventrés, des contraventions chiffonnées, et des miettes de pain sur les fauteuils…Elle sent mon chien mouillé et mes enfants énervés….Je n’aime pas les voitures, Je trouve qu’il y en a de trop, qu’elles font trop de bruit, qu’elles vont trop vite, qu’elles polluent nos villes » (bien sûr la sienne n’est pas de trop et elle ne pollue pas)
Ce n’est pas moi qui critique, c’est une femme qui « explique » son rapport à l’objet, qui assume l’extraordinaire banalité de son raisonnement, qui atteste persiste et signe qu’elle assimile une automobile à un outil domestique, et qui a plus que très partiellement raison car il est rare que les données physiques qui régissent le fonctionnement d’un lave linge mette votre vie en péril. Et s’il n’est en général pas très grave de s’en servir avec peu de discernement, le même schéma peut amener avec une auto des conséquences gravissimes. Vu sous cet angle, il est patent que la dame se soucie comme d’une guigne d’ « accessoires » aussi futile et périphériques que les indicateurs de direction ou les rétroviseurs, où de l’intérêt pour elle (et pour les autres, mais « les autres » est un concept qu’elle ne perçoit pas) de rouler à droite. L’auto lui sert essentiellement de lieu de vie où les enfants peuvent chahuter avec le chien, et bébé se goinfrer de gâteaux.

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L’Homme français

« J’aime la France, je roule français » est un slogan qui pourrait bien illustrer son étroitesse d’esprit. La France est un pays magnifique et contrasté. Pour décrire une situation idyllique, l’Allemand dit : Wie Gott in Frankreich, ce qui signifie que la France est le paradis, à condition d’y être Dieu. Le Français était résistant à 100% pendant la guerre et rêve à ce doux et hispanique prénom de la fille de Jellinek, Mercedes. Il est l’inventeur du camembert de Normandie fabriqué en Touraine, je n’affirmerais pas qu’il a inventé le système D, mais il en est l’exégète sublime. Ses zones piétonnes font ressembler le Haut Rhin à l’Ariège, et sont tellement encombrées de livreurs, d’ayant droit de bus, d’antiquaires qui déchargent, de qui connaissent l’adjoint, ou les flics, qu’il est parfois malaisé de s’y glisser à pied entre deux ridelles de camion. Revendiquant l’invention de la Mobylette louangée par Gérondeau, il laisse son bourdonnement insupportable (vespa, la cousine italienne, signifie dans cette langue « guêpe ») envahir la cité.

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Le 12 Mars 97, en quatrième de couverture est relatée l’initiative d’un conseiller principal d’éducation et d’un professeur de lycée sous le titre prometteur : « la bonne conduite ». Fallacieux et mensonger comme je pouvais m’y attendre car cette journée ne parlera de sécurité que d’une manière passive et curative et qui plus est dans une configuration laboratoire : Une Clio montée sur un culbuto y mime un tonneau pour prouver l’efficacité de la ceinture. Une minette branchée nous apprendra que la ceinture « c’est pas pour des prunes », du craquant pour interpeller le croquant et on y apprendra la manière de remplir un constat. Mais on cherchera en vain la trace d’une idée qui pourrait éviter d’avoir à remplir ledit constat. Logique puisque la phrase qui donne le ton à l’article « ne flirtez pas avec la vitesse » est proférée par un accidenté cloué en fauteuil après 21 jours de coma et qui avoue des circonstances impliquant le « petit verre de trop ». Il a flirté sans préservatif. Faut pas jouer les riches, quand on n’a pas le sou. Et c’est à ce genre d’exemple qu’on confie l’éducation des jeunes conducteurs.